Note de la rédaction : Permettez-nous de nous excuser d’emblée pour tout commentaire ou chiffre qui pourrait vous sembler désuet, car les dernières semaines ont été marquées par une volatilité quotidienne, voire horaire, sans précédent. Tenir à jour ce numéro s’est révélé être une tâche ardue en raison des fluctuations extrêmes du marché obligataire. Cela étant dit, les principaux points que nous faisons valoir s’en sont sortis indemnes et d’actualité, et nous avons donc décidé d’aller de l’avant avec la publication de ce numéro.
Quand on n’a que l’espoir
Nous continuons à constater que les marchés obligataires mondiaux vient d’espoir au printemps 2023. Le marché obligataire oscille entre la joie de voir que l’inflation tenace a enfin été vaincue et la crainte qu’elle ressurgisse. Cela dépend du jour, de l’heure, voire de la minute après la publication d’un énième chiffre important, mais les négociateurs d’obligations ne peuvent s’empêcher de guetter les mouvements de la Réserve fédérale. Même après la chute des rendements obligataires, la saisie de la Silicon Valley Bank (SVB) et les appréhensions à l’égard de Crédit Suisse, les rendements sont encore en forte hausse pour l’année.
Comme l’illustre le graphique de la courbe de rendement des obligations du gouvernement américain ci-dessous, les investisseurs croient dur comme fer que la Réserve fédérale prévaudra contre l’inflation, puisqu’ils sont satisfaits du rendement offert par les obligations du Trésor américain à 30 ans, lequel s’établit à 3,6 %. Il s’agit de 0,4 % de moins que le rendement de 4,0 % des bons du Trésor à un mois. Les investisseurs renoncent aux intérêts supérieurs du bon du Trésor à court terme au profit du coupon à 30 ans afin d’éviter le risque de baisse des rendements obligataires.
Comparez la courbe de rendement actuelle à celle d’il y a un an dans le graphique. À la mimars 2022, les bons du Trésor à 6 mois offraient un rendement famélique de 0,8 %, et les obligations à long terme majoraient ce rendement de 1,7 %, avec 2,5 %. Depuis, les obligations à long terme ont encore augmenté de 1,1 % pour se chiffrer à 3,6 %, mais les bons du Trésor à 6 mois ont fait un bond de 3,8 %, passant de 0,8 % à 4,6 %.
Aucune importance
Un rendement de 4,0 % sur un bon du Trésor américain à 30 jours, longtemps considéré comme un investissement sans risque par les théoriciens des marchés financiers efficients, est plutôt bien comparativement à son rendement quasi inexistant au cours de la longue période de politiques de taux nul de 2011 à 2018. On pourrait croire que les investisseurs, surtout les professionnels, se précipiteraient pour obtenir cet alléchant rendement de 4,0 %. Comme on le dit chez Canso, « Quand l’argent liquide n’at aucune ’importance, préparez-vous à une débâcle! » C’est ce que nous disons habituellement lorsque les gens se bousculent pour acheter des actions, sans se soucier du risque de baisse, dans leur empressement à investir et à n’être laissés pour compte par les marchés en forte hausse. Cette fois-ci, c’est l’argent liquide qui pourrait être négligé par les investisseurs qui se hâtent à investir et à assurer leur coupon pour profiter de richesses futures dégagées par les éventuelles chutes des rendements et hausses des prix des obligations.
L’argent liquide est désormais un générateur de rendement, mais la question sur toutes les lèvres est de savoir combien de temps cela durera et la mesure selon laquelle la Réserve fédérale continuera à resserrer sa politique. Un autre élément très important est de déterminer si la Réserve fédérale en a fait assez pour ramener l’inflation à son objectif de 2 % et rendre attrayantes les obligations à long terme à 3,6 %, un taux faible par rapport aux normes historiques. Comme l’économie demeure plus vigoureuse et que l’inflation persiste plus longtemps que le marché obligataire ne l’aurait prévu, les efforts de sensibilisation de la Réserve fédérale et sa machine de relations publiques avaient commencé à adopter un ton de plus en plus belliciste avant la chute de SVB. Aujourd’hui, les marchés ont revu à la baisse leurs prévisions de hausses futures, qu’ils attribuaient à une Réserve fédérale belliqueuse.
Non, rien de rien, non, je ne regrette rien
Contrairement à Édith Piaf, le marché obligataire commençait à regretter son optimisme vis-à-vis la fin de la guerre de la Réserve fédérale contre l’inflation. Lors de notre dernier numéro, en décembre, les marchés obligataires et boursiers étaient en hausse en raison de l’optimisme suscité par la fin du resserrement belliciste de la politique monétaire de la Réserve fédérale et des autres banques centrales mondiales. À l’époque, les choses allaient bien sur le plan de l’inflation. Comme nous le disions alors :
« Le marché obligataire américain vient d’accueillir chaleureusement les données de l’IPC des États-Unis du mois de novembre. L’IPC global a progressé de 0,1 % d’un mois sur l’autre en raison de la baisse des prix de l’énergie et l’indice de base a connu une hausse de 0,2 %, sa plus faible depuis longtemps. L’IPC global annualisé atteint donc 1,2 % et celui de l’IPC de base, 2,4 %. »
Les 2,4 % de l’IPC de base américain dans le rapport de novembre indiquaient à de nombreux acteurs du marché financier que la Réserve fédérale avait presque atteint son objectif de 2 % et qu’elle pourrait mettre en berne sa campagne en vue de ralentir l’économie et l’inflation en rendant l’argent et le crédit plus coûteux. À l’époque, nous étions plus optimistes quant au ralentissement de l’inflation. En ce qui concerne les salaires, nous pensions que les attentes en matière d’inflation étaient en train de s’incruster : « L’ombre au tableau de l’IPC? Les salaires. Ils ont augmenté de 1,2 % au cours du trimestre, ce qui représente un taux annuel de 4,8 %, et de 5,1 % en glissement annuel. » Nous avons terminé le numéro de décembre de L’Observateur des marchés en soulignant l’obsession des investisseurs envers la politique monétaire. « Hé bien tout tourne autour de la base monétaire — ne parlez surtout pas de resserrement! Rien d’autre ne compte vraiment pour les marchés financiers. »
L’inflation n’a pas encore dit son dernier mot
Chaque rapport sur l’inflation et chaque annonce de la Réserve fédérale font pivoter le marché obligataire de la voie où il veut s’engager, à destination d’un taux d’inflation de 2 %, à la triste prise de conscience qu’elle pourrait demeurer élevée encore longtemps. Le comité de rédaction du quotidien The Wall Street Journal a exprimé la frustration des investisseurs :
“« Juste au moment où vous pensiez que l’inflation était vaincue, un rapport du gouvernement bafoue les présomptions. C’est ce que les économistes qui pensaient que la fin de l’inflation était proche doivent penser avec frustration après le rapport de vendredi sur l’indice des dépenses et des prix de consommation des particuliers… L’inflation des DPC en général a augmenté de 0,6 % au cours du mois, contre 0,2 % en novembre et en décembre. Au cours des 12 derniers mois, l’indice des DPC a augmenté de 5,4 %, soit une légère hausse par rapport à décembre, après plusieurs mois de baisse. L’inflation au niveau des services est à l’origine d’une grande partie de cette hausse, cette dernière ayant augmenté de 5,7 % depuis janvier 2022. »
Source : The Editorial Board. Battle of the Inflation Bulge. WSJ, 24 février 2023.
Gérants d’estrade
Nous avons quelques grands amateurs de cricket chez Canso (avec à leur tête M. Vivek Verma, CFA), mais pour le reste de l’équipe, disons que nous n’avons aucune idée de quoi ils parlent. Comme les gérants d’estrade qui se réjouissent des victoires, mais qui attribuent les défaites à toute une série de facteurs injustes, l’inflation a le dos large. Les bonnes nouvelles suscitent de l’euphorie, mais les preuves du contraire suscitent le déni, la frustration voire la colère envers l’inflation.
Les rédacteurs du quotidien WSJ ont fait remarquer à peu près la même chose dans leur commentaire sur l’inflation des DPC aux États-Unis que dans notre numéro de décembre, avec notre graphique de la hausse des salaires et de l’IPC de base au Canada. Nous soupçonnions que cela montrait que l’inflation risquait plutôt de stagner sur les marchés que de s’estomper. Nous craignions que le marché obligataire n’ait mis la charrue devant les boeufs en déclarant la victoire sur l’inflation. En décembre, les obligations du Trésor à 30 ans affichaient un faible rendement de 3,4 %, ce qui prévoyait déjà un taux d’inflation inférieur à 2 %, comme nous l’avons montré dans notre analyse des écarts de rentabilité des obligations indexées sur l’inflation.
Obligations obligent
Les choses n’ont pas beaucoup changé, car les dernières données canadiennes sur l’emploi montrent encore une croissance des salaires de 5%. Les derniers chiffres sur l’inflation publiés par les États-Unis en février montrent que l’inflation de base demeure supérieure à 5 % et qu’elle est loin d’être vaincue. Comme le résume Bloomberg :
« Les prix à la consommation sous-jacents aux États-Unis ont connu leur plus forte hausse en février en cinq mois, une accélération qui place la Réserve fédérale dans une position difficile alors qu’elle tente de contrecarrer l’inflation toujours forte sans tourmenter davantage le secteur bancaire.
L’indice des prix à la consommation, hors alimentation et énergie, a augmenté de 0,5 % le mois dernier et de 5,5 % par rapport à l’année précédente, selon les données du Bureau of Labor Statistics publiées mardi. Les économistes considèrent que l’indicateur de mesure — appelé IPC de base — est un meilleur indicateur de l’inflation sous-jacente que la mesure utilisée dans les manchettes.
L’IPC global a augmenté de 0,4 % en février et de 6 % par rapport à l’année précédente. »
Source : Saraiva, Augusta. US Core CPI Tops Estimates, Pressuring Fed as It Weighs Hike.
Bloomberg, 14 mars 2023.
Ce rapport a permis d’inverser une grande partie de la chute des rendements obligataires liée à l’imbroglio de SVB, mais ils viennent de plonger à nouveau en raison des inquiétudes suscitées par Crédit Suisse et une éventuelle crise bancaire plus généralisée. Par contre, comme nous l’avons dit à l’époque, si le marché obligataire veut se redresser, il n’y a pas trop d’obstacles. Les gestionnaires d’obligations passent à l’achat et les négociateurs ne veulent pas avoir un découvert sur un titre dont le cours augmente, de sorte que les rendements chutent et le cours des obligations monte en flèche.
Le graphique de rendement des obligations américaines à 30 ans ci-dessous en témoigne. Le rendement des obligations à long terme a atteint un sommet de 4,4 % en novembre, lorsque les rapports d’inflation et les craintes ont atteint leur sommet. Il a ensuite plongé en décembre, lorsque le rapport de l’IPC de novembre indiquait des taux annualisés proches de l’objectif de 2 % de la Fed. Entre le sommet de 4,4 % atteint le 24 octobre et le creux de 3,4 % atteint le 7 décembre, il s’agissait d’une baisse d’exactement 1 %, ce qui équivaut à une variation d’environ 20 % du cours des bons du Trésor à long terme. Cela témoigne sûrement de l’enthousiasme des gestionnaires obligataires à l’égard du monde inflationniste qu’ils connaissaient il y a quelques années à peine et qu’ils veulent désespérément retrouver.
Entre le marteau et l’enclume
À l’heure actuelle, le rendement de 3,6 % des bons du Trésor américain à 30 ans n’est pas très loin de la médiane de 3,9 % de la fourchette des récents rendements élevés et faibles de 4,4 % et 3,4 %, respectivement. Compte tenu de l’illiquidité du marché, il ne faut pas grand-chose pour que les rendements fluctuent considérablement d’une part et d’autres. L’énorme mouvement de 0,17 % du vendredi 10 mars, sur un rapport sur l’emploi apparemment légèrement positif (plus faible), s’est avéré être une réponse à la faillite de SVB qui a été reprise par la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) des États-Unis. Bien qu’il s’agisse de la plus grande faillite bancaire depuis la crise du crédit de 2008 et que Crédit Suisse suscite également des inquiétudes, nous allons de l’allégresse à l’idée d’une baisse de l’inflation au désespoir qu’elle ne cède pas.
Un pour tous, tous pour un
Peu importe les tendances à court terme du marché obligataire, il est clair qu’il prévoit un retour à une inflation normale, voire à une récession, si l’on en croit les prévisions de la courbe de rendement. Les gestionnaires d’obligations ne veulent pas être laissés pour compte dans le marché obligataire en plein essor dont ils rêvent désespérément. De toute évidence, personne ne sait ce qui se passe, surtout pas les banques centrales. Elles se sont absolument gourées en poursuivant leurs politiques conciliantes dans le sillage de la pandémie. Leur inflation transitoire attribuable aux pénuries d’approvisionnement liées à la pandémie s’est avérée être l’inflation la plus élevée et la plus durable depuis les années 1970, qui étaient des plus inflationnistes.
Bureaucratie bancaire
La politique monétaire a comme objectif présumé un approvisionnement en argent suffisant pour soutenir l’économie. Les intrépides interventions financières d’Alan Greenspan ont changé la donne et ont suscité la croyance sur le marché que la Réserve fédérale dicte les résultats des marchés économiques et financiers. Ne vous méprenez pas, il ne faut pas se « révolter contre la Réserve », comme on le disait pendant les années 1970. La Réserve fédérale et les autres banques centrales peuvent stimuler l’économie par une politique monétaire souple ou l’anéantir par une restriction draconienne de la monnaie ou du crédit. Si vous êtes un monétariste pur et dur, vous vous demandez même si elles devraient se prêter au jeu. La croyance des marchés financiers que la Réserve fédérale peut ajuster l’économie rappelle la planification centrale de l’Union soviétique. Les marchés libres sont censés fournir des signaux de prix aux acteurs du marché, et non se les faire dicter par les valeureux gaulois de la Réserve fédérale ou d’autres banques centrales.
Manie monétaire moderne
Le point culminant de la politique monétaire activiste a été la théorie monétaire moderne. On y disait essentiellement que des sommes faramineuses d’argent étaient la réponse à tout problème de société et que, contrairement à la théorie monétariste, « l’argent n’a pas d’importance ». L’urgence de la pandémie est révolue depuis longtemps, mais les effets de sa politique monétaire et budgétaire très conciliante se font encore sentir. Les valeureuses banques centrales de la crise du crédit, de la crise de la dette en Europe et de la pandémie sont maintenant bien penaudes, car elles ont « laissé filer l’inflation » en maintenant les taux d’intérêt à zéro bien trop longtemps. Elles font maintenant du rattrapage avec une politique très restrictive. Viseront-elles juste ou iront-elles trop loin, ou plutôt pas assez? Si l’histoire est notre guide, elles risquent de manquer leur cible.
Errare humanum est
Le graphique ci-dessous présente les rendements américains des bons du Trésor à 30 jours et des obligations du Trésor à 30 ans à compter du 31 décembre 1999. Ce graphique est instructif pour ceux qui croient encore que la politique monétaire est une question d’expertise et de réflexion. Comme le dit l’adage, « l’erreur est humaine ». Il démontre la tendance très humaine de la Réserve fédérale à se tromper des deux bords de l’équation de la masse monétaire et des taux d’intérêt.
De quoi j’me mêle
Depuis l’intervention monétaire massive d’Alan Greenspan pour sauver le marché boursier en 1987, la Réserve fédérale déforme régulièrement le système financier. Elle fait dégringoler les taux en réaction à une crise financière ou autre perçue, puis tente de « normaliser » la politique en augmentant les taux d’intérêt, ce qui a des effets désastreux sur les accrocs au crédit facile.
Ces sauvetages financiers sont justifiés par les tensions sur le système financier et/ou les « effets négatifs sur la richesse » de la chute des cours des actions sur les consommateurs. Loin de l’image publique de la banque centrale, qui est celle d’une réflexion raisonnée fondée sur l’analyse, le graphique illustre irréfutablement les soubresauts de taux d’intérêt infligés par la Réserve fédérale aux marchés financiers américains et mondiaux.
La modération a bien meilleur goût, même lorsqu’il est question de masse monétaire, et c’est la leçon que les banques centrales devraient tirer. Cette fois-ci, l’argent a aussi été la solution à la dévastation économique causée par une urgence sanitaire, et la politique budgétaire a également été utilisée comme une force économique grossière. La critique des mesures de relance budgétaire précédentes était que l’obtention du feu vert avait tardé, les politiques budgétaires liées à la pandémie ont donc mis l’accent sur la rapidité et l’action plutôt que sur la réflexion. Les politiques monétaires et budgétaires liées à la pandémie se résumaient à pelleter de l’argent à tout venant, peu importe le pays.
Donner la peau de l’ours à ceux qui vont ont posé un lapin
Le gouvernement du Canada s’est servi de l’Agence du revenu du Canada (ARC) (les percepteurs d’impôt) pour accorder des subventions de soutien lors de la pandémie aux entreprises en difficulté, même celles qui avaient des dettes fiscales en souffrance. Il peut sembler étrange de donner de l’argent à des gens qui vous ont déjà floué si vous êtes un percepteur d’impôt, mais il semble que ces impérieux jours de pandémie exigeaient une intervention rapide. Après coup, le gouvernement Trudeau du Canada n’est pas trop empressé d’enquêter sur ce qui s’était produit, sur le nombre d’entreprises qui avaient utilisé à mauvais escient les fonds qui leur avaient été versés, voire de savoir si elles étaient restées en affaires. Faut-il s’en étonner?
Lendemain de veille
Nous qui avons vu avec inquiétude la fébrilité de la création d’argent et les dépenses gouvernementales financées par la dette pendant la pandémie, nous demandons maintenant ce qu’il adviendra de l’inflation. Les énormes quantités d’argent imprimées par les banques centrales et distribuées par les gouvernements à leurs citoyens continueront-elles à provoquer une inflation qu’elles n’étaient pas censées provoquer? Selon une théorie strictement monétariste, c’est exactement ce qui explique le taux d’inflation élevé que nous connaissons actuellement.
La bonne nouvelle, ou peut-être la mauvaise nouvelle pour ceux qui ont besoin d’argent, c’est que les banques centrales semblent maintenant reconnaître que l’inflation qui a suivi la pandémie n’était pas simplement « temporaire et transitoire ». Même les anciennes voix les plus conciliantes de la Réserve fédérale, qui étaient satisfaites de l’approche « Attendre de voir » adoptée après la pandémie, ont aujourd’hui changé de ton. Leur frénésie actuelle à relever les taux semble suggérer que les banques centrales se sont réveillées avec un lendemain de veille pénible et reconnaissent en effet tardivement que « l’argent compte ».
N’y comptez pas trop
Si l’on en croit l’enthousiasme des marchés obligataires et boursiers, les récents problèmes financiers de SVB et de Crédit Suisse pourraient finalement inciter la Réserve fédérale à céder. L’une des caractéristiques durables de l’héritage d’Alan Greenspan à titre de président de la Réserve fédérale est que les investisseurs croient toujours que la Réserve fédérale « sauvera » les marchés financiers en cas de problème financier assez grave, l’« option de vente de la Réserve fédérale » tant vantée. Comme beaucoup le soulignent, la baisse de 1,1 % du rendement de l’obligation du Trésor américain à 2 ans au cours des 3 jours qui ont suivi la révélation des problèmes de la SVB bat tous les records. Au moment de la publication, le 15 mars, les problèmes de Crédit Suisse et les inquiétudes généralisées concernant le système bancaire ont entraîné une nouvelle baisse massive de 0,4 % de l’obligation du Trésor américain à 2 ans.
Cela signifie-t-il que la Réserve fédérale va effectivement céder? C’est difficile à dire. Il est très dangereux pour un investisseur de décider que « cette fois-ci, ça sera différent ». D’un autre côté, nous n’avons guère vu de signes de problèmes sur les marchés du crédit au cours de ce cycle de resserrement jusqu’à présent, à l’exception de l’effondrement récent de la SVB et de Crédit suisse. Le graphique des rendements du Trésor américain à 2 ans ci-dessous illustre pourquoi les investisseurs obligataires pourraient souhaiter un peu plus d’effondrement financier ou une autre crise du crédit. Les investisseurs obligataires pensent manifestement qu’une crise bancaire persuadera la Réserve fédérale de mettre un peu d’eau dans son vin, voire de ramener les taux d’intérêt à un niveau proche de zéro.
Cette baisse du rendement du Trésor américain à 2 ans n’est pour l’instant qu’une légère anomalie passagère dans le graphique ci-dessus. Le rendement du Trésor américain à 2 ans a chuté de 3 % à 5 % en raison des crises financières précédentes, et c’est probablement ce que les investisseurs obligataires espèrent. D’autre part, le problème de SVB n’est pas comparable aux risques systémiques que la crise des prêts hypothécaires à risque aux États-Unis a fait peser sur l’ensemble du système financier. Cette situation s’est étendue à la quasi-totalité du système financier mondial et l’inflation est peut-être aujourd’hui le problème le plus important de la Réserve fédérale.
Pénible pénurie
Si la Réserve fédérale décide que l’inflation est sa priorité, elle poursuivra son resserrement et cela n’est jamais de bon augure pour les actifs financiers. Lorsqu’il y a pénurie de liquidité, les rendements que les investisseurs exigent pour se départir de leur argent augmentent. À notre avis, le marché des obligations de sociétés ne montre pas encore beaucoup de signes de tension sur le plan du crédit, les défauts de paiement sont faibles et les sociétés emprunteuses ont facilement accès à de l’argent sur les marchés des obligations et des prêts bancaires. Cela évoluera à mesure que l’argent et le crédit se feront plus rares.
Il est évident que moins d’argent et moins de liquidités devraient signifier que les placements non liquides sont plus touchés que les actifs négociables liquides. À l’exception de la débâcle actuelle au sein du capital de risque, la manie des actifs financiers « privés » et « alternatifs » n’a pas encore touché à sa fin. Certaines autres catégories d’actifs non liquides ont perdu du terrain en raison de la baisse des prix, comme attendu.
Acrobaties comptables
Nous constatons avec un certain étonnement que les principaux fonds du secteur public canadien soulignent dans leurs états financiers de fin d’exercice à quel point leurs placements privés et leurs placements alternatifs se sont bien comportés par rapport aux rendements négatifs de leurs placements négociables sur le marché public. C’est la magie de la « valeur comptable » qui donne à la direction le pouvoir discrétionnaire d’en déterminer la « dépréciation permanente ». Tôt ou tard, lorsqu’il est évident que des investissements semblables se vendent à des prix beaucoup plus bas, leurs comptables ou leurs conseils d’administration seront forcés de comptabiliser leurs actifs à la lumière des investissements comparables vendus sur les marchés secondaires.
Hausse tohu-bohu des taux
La hausse des taux d’intérêt à court terme décidée par la Réserve fédérale provoque elle-même un certain chambardement, car elle a également entraîné une augmentation des rendements obligataires et des taux d’escompte sur d’autres placements. Les problèmes de SVB en découlent justement. SVB a investi les fonds de ses déposants dans des obligations à long terme du Trésor américain. Il s’agit d’actifs financiers liquides de très grande qualité dont le prix a chuté en raison de la hausse des rendements des bons du Trésor. Lorsque les déposants ont retiré leurs fonds, SVB a dû vendre ses positions sur le Trésor américain pour dégager les liquidités nécessaires. Les documents publics révèlent une perte de 2 milliards de dollars sur la vente d’une position de 21 milliards de dollars dans le Trésor américain. Compte tenu de la hausse des taux d’intérêt, cela implique une durée de 4 à 5 ans pour les actifs qui correspondent au passif à très court terme des dépôts à taux variable.
Cela étonne tous ceux qui ont vécu les hausses de taux d’intérêt des années 1970 ou le fiasco d’Orange County en 1994 dans des titres « refuges » adossés à des actifs (TAA) basés sur des titres adossés à des créances hypothécaires (TACH).
Ce sont les taux d’intérêt croissants des années 1970 qui ont entraîné la défaillance de l’industrie de l’épargne et des prêts. Ils détenaient des prêts hypothécaires au détail à taux fixe de 25 ans comme actifs et leurs passifs étaient composés de dépôts qui ont fluctué à la hausse en fonction des taux d’intérêt en vigueur. La valeur de leurs actifs hypothécaires au détail a baissé avec les hausses de taux d’intérêt et la valeur de leurs dépôts à taux variable est restée inchangée. Les charges d’intérêt ont également augmenté face aux revenus d’intérêt des hypothèques à taux fixe, ce qui a entraîné des pertes continues. L’ensemble du secteur s’est alors effondré et le gouvernement américain a créé Resolution Trust, qui a repris toutes les sociétés en faillite du secteur.
Attache ta tuque
La différence ou l’écart de durée entre l’actif et le passif est devenu quelque chose à gérer étroitement pour une institution financière. C’est pourquoi les secteurs des banques et des assurances ont appris à gérer le terme et la durée de leurs portefeuilles. Une bonne gestion de la trésorerie et des risques permet de maintenir le passif aligné à l’actif, et toute différence est appelée un « écart » et celui-ci est géré de très près. Il s’agit d’une leçon qui a échappé à la direction et aux gestionnaires du risque de SVB. Cela semble naïf, voire imprudent, que SVB ait accepté des dépôts et les ait investis dans des obligations à long terme du Trésor américain. Comme le souligne un article de Bloomberg, le personnel de la trésorerie et de la gestion des risques de SVB semble avoir pris au pied de la lettre les garanties de la Réserve fédérale selon lesquelles elle maintiendrait « éternellement » les taux à un niveau bas:
« Fait crucial, la Réserve fédérale a fixé les taux d’intérêt à des creux sans précédent. Et, dans un changement radical, elle a promis de les maintenir jusqu’à ce qu’elle constate une inflation durable bien supérieure à 2 % — un résultat qu’aucun spécialiste n’avait prévu.
SVB a recueilli des dizaines de milliards de dollars auprès de ses clients de capital de risque et, convaincue que les taux demeureraient stables, a investi ces liquidités dans des obligations à long terme.
Ce faisant, elle a tendu un piège et s’y est prise. »
Source : Chappatta, Brian. SVB Spectacularly Fails After Unthinkable Heresy Becomes Reality. BNN Bloomberg, le 10 mars 2023.
Les médias laissent entendre que la direction de SVB a investi dans des obligations à long terme du Trésor américain afin d’accroître ses revenus d’intérêts déclarés. Il semble qu’il y ait eu des débats internes sur le bien-fondé de cette stratégie, compte tenu du risque évident, mais l’augmentation des bénéfices déclarés était très attrayante pour la direction et les actionnaires. Comme l’administration Trump a réduit la surveillance réglementaire et supprimé l’obligation pour les banques régionales et de petite taille de procéder à des « simulations de crise », ce décalage extrême n’a pas été signalé. Les états financiers de fin d’exercice de SVB ont affiché une perte énorme de 15 milliards de dollars liée à l’évaluation à la valeur du marché, mais les obligations ont été comptabilisées à leur valeur comptable selon les normes comptables, étant donné qu’elles étaient classées comme étant « détenues jusqu’à l’échéance ». Lorsque les déposants de SVB ont voulu récupérer leur argent, elles n’ont pas été détenues jusqu’à l’échéance et le produit des ventes était 10 % inférieur à leur cours comptable, et ça a bardé.
Il faut payer les pots cassés
La FDIC et l’administration Biden ont maintenant annoncé que tous les déposants, même ceux qui dépassent le plafond de 250 000 dollars assuré par la FDIC, bénéficieront d’une garantie afin d’éviter que la ruée sur les banques ne se propage. C’est une grande victoire pour les 90 % de dépôts non assurés de la SVB, qui n’auront pas à subir une perte de 10 % et à attendre des années avant de récupérer la totalité de leur argent. Sans compter que 450 dirigeants de sociétés de capital de risque ont signé une pétition soulignant les dommages causés au secteur, et, incidemment, à leurs primes et à leurs intérêts passifs.
La Réserve fédérale et le Trésor ont également mis en place une nouvelle facilité de la Réserve fédérale qui permet aux banques régionales et de petite taille d’emprunter contre nantissement. Il est intéressant de noter que ces emprunts sont effectués à la valeur comptable des obligations du Trésor américain, ce qui permet à ces banques d’emprunter à la valeur comptable afin qu’il n’y ait aucune perte sur une vente véritable si elles ont besoin de liquidités. Les banques commerciales ou les courtiers en valeurs mobilières prêtent contre des titres à la valeur marchande, ce qui est un cadeau important pour ces banques et laisse entendre que de nombreuses autres banques pourraient avoir subi des pertes « à la valeur du marché ».
Cette bonne nouvelle s’accompagne également d’une mauvaise nouvelle. La FDIC et le Trésor américain ont également annoncé que les actionnaires et les porteurs d’obligations de SVB seront « lessivés » et que la direction sera congédiée. C’est très sévère comparativement au traitement des « banquiers répréhensibles » de la crise du crédit, où des tonnes de soutien et d’argent ont été données aux fautifs, qui se sont ensuite versés d’importantes primes après délai de complaisance. C’est une bonne chose, et il y aura beaucoup de milliardaires et d’anciens actionnaires de SVB de Silicon Valley qui surveilleront désormais de près leurs investissements futurs.
Obligations non épargnées
Même les détenteurs d’obligations sont ébranlés par leur confiance dans les cotes de crédit. SVB Financial (SVBF), société mère de SVB, a émis en 2021 une obligation non garantie de premier rang de 10 ans assortie d’un coupon de 1,8 %. Ce faible coupon ne représentait qu’un écart de 80 points de base (0,8 %) par rapport au très faible rendement de 1 % du Trésor américain à ce moment-là, étant donné qu’il était alors noté comme un placement de première qualité par Moody’s (A3) et S&P (BBB). Si l’on en croit la Réserve fédérale, cette obligation vaut aujourd’hui beaucoup moins, et le marché en convient. Les obligations de SVBF se seraient négociées à des cours témoignant d’une tension financière, à savoir 30 $, au cours de la fin de semaine précédant la mise sous séquestre de SVB. SBVF possède d’autres actifs, mais comme les créances de la FDIC ont priorité de rang sur toute autre dette de la SVBF, le remboursement aux investisseurs en difficulté dépend de l’argent nécessaire pour rembourser à la FDIC sa garantie de tous les dépôts de la SVB. Crédit Suisse est une banque suisse dont les problèmes sont très différents, mais sa dette de rang supérieur se négocie également à des cours appauvris.
Une hirondelle ne fait pas le printemps
Il se peut que le système financier perde bien des plumes et que SVB en soit l’oiseau de malheur, mais cette fois-ci pourrait bien être différente. Un cycle de resserrement a pour objectif de ralentir l’économie en augmentant les taux d’intérêt, mais historiquement, les banques centrales n’étaient que des prêteurs de dernier recours pour les banques commerciales. Les banques centrales n’avaient pas l’habitude de sauver les marchés financiers de leurs excès. Alan Greenspan était un économiste consultant de Wall Street qui a fait des sauvetages financiers, y compris du marché boursier, sa chanson emblématique. Les sauvetages financiers ont été populaires auprès de ses contemporains et de ses successeurs, mais ils n’ont pas donné lieu à une forte inflation jusqu’à la pandémie. Cette fois-ci, les banques centrales savent qu’elles ont fait une gaffe au chapitre de l’inflation. Auront-ils recours à un saut de l’ange excessif une fois de plus?
Quand est-ce qu’on arrive?
Quelle voie nous reste-t-il? Les marchés financiers sont comme des enfants gâtés sur la banquette arrière de la voiture monétaire, demandant constamment « Quand est-ce qu’on arrive? » et se plaignant bruyamment que nous ne sommes pas arrivés. Pire encore, les banquiers centraux qui conduisent la voiture monétaire n’ont aucune idée de la durée du voyage. Pour poursuivre l’analogie, papa est perdu et refuse de demander son chemin, maman est en colère et les enfants rouspètent sur la banquette arrière. Alors que l’inflation reste obstinément élevée, il semble que les consommateurs sont ceux avec le plus d’endurance.
Le bon, la brute et le truand
L’inflation n’est pas entièrement la brute qu’on décrit, mais la mouture actuelle est particulièrement dangereuse. Les consommateurs luttent contre l’augmentation du coût de la vie et exigent des salaires plus élevés, ce qu’ils semblent obtenir puisqu’il semble y avoir encore beaucoup d’argent en circulation. L’avantage d’une inflation élevée est que la croissance économique nominale est également très élevée. Les gouvernements, les entreprises et les consommateurs obtiennent des revenus nominaux plus élevés que leurs dettes nominales fixes. De plus, les gouvernements sont obligés de répercuter les hausses de l’inflation sur leurs bénéficiaires, tels que les bénéficiaires de la sécurité vieillesse. Les Américains et les Canadiens à la retraite ont vu l’inflation très élevée de l’an dernier augmenter considérablement leurs prestations de la Sécurité de la vieillesse grâce à l’indexation de l’IPC, ce qu’ils ont probablement tous jugé très bon. On peut supposer que peu d’aînés ont retourné cette manne pour épargner à leurs concitoyens une spirale inflationniste. C’est beaucoup de pouvoir d’achat qui se répercute sur l’économie et les prix. Cela s’ajoute à une croissance des salaires de 5 % pour permettre aux consommateurs de payer plus cher. Comme l’éditorialiste du journal WSJ l’a dit : « Nos lecteurs ont sans doute remarqué qu’ils paient plus cher chaque fois qu’ils visitent un médecin, embauchent un plombier, restent à l’hôtel ou vont à Disney World avec leurs enfants. »
Le chant de sirène des liquidités
Comme nous l’avons souligné plus tôt, l’avantage en mars 2023, c’est que les taux d’intérêt à court terme ont augmenté de plus de 4 %. Cette situation attire l’attention des investisseurs tant particuliers qu’institutionnels, comme le rapporte l’article de Bloomberg ci-dessous :
« En 2023, l’argent est loin de n’avoir aucune espèce d’importance. C’est le verdict des 404 investisseurs professionnels et particuliers qui ont participé au dernier sondage MLIV Pulse. Les deux tiers des répondants ont indiqué que les espèces dans leur portefeuille favoriseraient leur rendement plutôt que d’y nuire au cours de la prochaine année. Ces liquidités en disent long sur l’instabilité de l’environnement financier et économique. Les craintes d’un marché baissier potentiel, de hausses de taux continues de la Réserve fédérale et d’une récession imminente ont effarouché les investisseurs anxieux, craignant que l’année 2023 ne soit une reprise de l’année 2022, année où les portefeuilles ont été durement mis à l’épreuve. »
Même avec la baisse des taux d’intérêt à la suite de la débâcle de SVB, les espèces ne sont pas un mauvais endroit pour placer de l’argent en attendant que le monde financier implose ou prospère.
Récits de rendements
Pour donner une perspective historique, nous pensions mettre la touche finale à nos réflexions sur les placements avec une mise à jour de notre tableau historique des rendements à long terme. Nous avons créé ce graphique, à un moment qui nous paraît déjà bien lointain, pour avoir une idée de la façon dont nous nous comparons au passé en matière de placements. Il compare notre cycle actuel depuis 1990 à celui des 40 années entre 1920 et 1960. Nous avons choisi ces années en raison des similitudes entre le passage de la production militaire de la guerre froide à des utilisations civiles, avec la chute de l’Union soviétique en 1989, et le passage de la production militaire de la première guerre mondiale à celle de biens de consommation civils en 1919. La ligne bleue est la moyenne mobile du rendement des obligations à long terme de 1920 à 1960. La ligne rouge mince correspond au rendement des obligations à long terme depuis 1990 et la ligne rouge plus épaisse correspond à sa moyenne mobile.
Divine désinflation
Les deux moyennes mobiles suivaient bien le rythme avant la pandémie et s’inscrivaient dans notre scénario de fin du cycle de baisse des rendements. La pandémie a bouleversé cette situation, avec la chute des rendements associée, mais elle nous ramène maintenant dans les sentiers battus, un peu comme nos habitudes de vie sont revenues à la normale. La moyenne mobile de la période allant de 1990 à aujourd’hui est remontée à peu près au niveau où elle se trouvait au-dessus du cycle de 1920 à 1960. Qu’est-ce que cela signifie? Pour nous, le détournement des dépenses militaires de la guerre froide vers des usages productifs a été désinflationniste. La libération des capacités de production massives de la Chine et des anciens États clients de l’Union soviétique a également eu un effet déflationniste, tout comme l’essor du commerce international.
Nous supposons que la fin de ces forces entraînera une hausse de l’inflation par rapport à la période précédente. La décision de Vladimir Poutine d’envahir l’Ukraine fait prendre conscience aux gouvernements que la baisse des dépenses militaires de la guerre froide, à savoir les « dividendes de la paix », s’est transformée en primes « d’assurance de la paix », nos démocraties augmentant leurs dépenses militaires en raison de la première guerre européenne de grande ampleur depuis 1945. Cela rend probablement ce graphique encore plus pertinent.
Il convient de noter la convergence entre les deux moyennes mobiles qui divergeaient de plus de 3 % à l’année 0 et de seulement 0,4 % à l’année 26. Si l’écart entre les deux augmente jusqu’à 1 % d’ici 2024 (année 34), le taux long-terme du Trésor américain devrait être de 4 % (3 % + 1 %) sans compter le taux d’inflation élevé que nous connaissons actuellement. Sans une baisse importante des prix, nous avons de la difficulté à voir les rendements se maintenir sous la barre des 4 %.
Futur flou
Alors, que devrait faire un pauvre investisseur avec tous ces signaux économiques et bancaires centraux qui prêtent à confusion? La réponse est simple : « Trouver de la valeur », et il nous semble qu’il faudra un certain temps pour que la situation se règle. La bonne nouvelle, c’est que l’indécision et le fait de détenir de l’argent et des obligations à court terme sont payants pour les investisseurs.
Les rendements sont-ils sur le point de grimper en flèche avec l’effondrement des actions et des obligations, ou la Réserve fédérale va-t-elle penser que SVB est un signe des temps qui courent et ralentira-t-elle sa campagne? De nombreux acteurs du marché obligataire pensent désormais que la Réserve fédérale va céder et les contrats à terme sur les taux d’intérêt indiquent maintenant qu’on s’attend à ce que la Réserve fédérale mette fin à la hausse des taux et commence à les réduire d’ici la fin de l’année. Tout dépend de ce qui arrive à l’économie et à l’inflation, ce qui demeure flou, très flou. Nous pensons qu’il est très difficile de prévoir les aléas du marché, mais il existe des façons très intéressantes d’assurer le succès du portefeuille sans pour autant jouer sa fortune.
Nous croyons toujours que l’inflation demeurera plus élevée que ce à quoi s’attendent les marchés, ce qui entraînera une hausse du taux d’escompte général pour les placements. Une récession pourrait être imminente, mais le marché répète ce même refrain depuis des années déjà. Les défaillances demeurent faibles et les émetteurs peuvent financer leurs activités à des taux raisonnables. Une récession pourrait être imminente, ou une crise financière plus importante due à la contagion de la débâcle de SVB, mais nous ne voyons pas de détresse ou de dislocation particulière sur les marchés du crédit à l’heure actuelle sans un événement énorme et inattendu comme la faillite d’une autre banque.
Valeureuse valeur
Nous avons fait ce que nous devions faire pour protéger nos portefeuilles pendant les sottes années de nullité des taux imposées par les banques centrales aux marchés financiers. Maintenant que les rendements obligataires sont de 2 % à 4 % plus élevés dans l’ensemble de la structure des échéances, au moins les titres à court terme ont retrouvé leur utilité et même les rendements à long terme ont augmenté. Nous continuons de favoriser les obligations indexées sur l’inflation, qui offrent une protection contre l’inflation et une plus-value en cas de baisse des rendements réels, et nous pensons que le rendement supplémentaire des titres à taux variable est intéressant pour les investisseurs qui n’ont pas de besoins en termes d’échéance et de durée.
Espérons que nous revenons à la tâche difficile d’acheter des choses bon marché, au lieu de deviner ce qu’une bande d’humains des banques centrales pourraient faire ou ne pas faire. Nous dénichons encore des occasions intéressantes de faire de l’argent, peu importe ce qui arrivera. Notre discipline axée sur la valeur signifie que l’achat à bas prix est en soi une forme de protection, et c’est ce sur quoi nous nous concentrons maintenant.